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Forum Douane-PME : aller à l’international sous le signe du collectif

Transport - Douane
Affaires - International
01/10/2024
Les PME ont un bénéfice à tirer du commerce international et, pour les aider dans leurs démarches, elles peuvent compter sur un soutien collectif des institutions, dont la Douane, et des organismes professionnels qui s’expriment en ce sens à l’unisson lors du forum Douane-PME qui s’est tenu à la Confédération des petites et moyennes entreprises le 27 septembre 2024. Une occasion également pour les attachés douaniers de faire un focus sur les relations avec le Royaume-Uni, les USA et la Chine.
L’enjeu de l’international
 
Même si dans la période actuelle, les États pratiquent un « repli économique », les secteurs qui se portent bien sont aussi ceux qui agissent à l’international et, par conséquent, les PME sont intéressées par le commerce avec l’étranger, explique Mathias Fekl, le président de la commission internationale de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). À ce titre, ajoute-t-il, la Douane est un « partenaire essentiel », pour plus de fiabilité, de sécurité et simplifications des démarches : elle est un « atout », « une assistance à la conformité ».
 
Marc Dagorn, le délégué aux relations internationales de la Douane à la DGDDI, rappelle que la Douane agit en effet comme un appui aux entreprises, notamment par l’activité de ses attachés douaniers en ambassade qui accompagnent la démarche d’expansion des opérateurs à l’étranger et font la promotion de la plateforme logistique France et par les positions qu’elle porte pour les opérateurs nationaux auprès du Conseil s’agissant par exemple de la réforme de l’union douanière (elle fait remonter leurs propositions : voir Projet de réforme de l’union douanière : des précisions de la DGDDI, Actualités du droit, 29 sept. 2023). Sur ce point, Yann Ambach, le chef du bureau de la politique tarifaire et commerciale à la DGDDI, confirme que les remontées à la Commission permettent également de protéger les intérêts commerciaux des opérateurs et d’infléchir la politique commerciale de l’UE.
 
Quelle stratégie à l’export ?
 
Les principaux éléments douaniers à maitriser pour la sécurisation d’un flux – le triptyque espèce, origine et valeur d’une marchandise – sont rappelés par Yann Ambach. Les concernant, la Douane peut accompagner utilement les opérateurs. Ses services apportent une réponse adaptée aux problématiques des petites et moyennes entreprises ; l’administration douanière connait ces opérateurs et l’hétérogénéité des cas possibles et peut donc faire des retours différenciés selon les PME. Bénéficiant ainsi de réponses adaptées à leurs priorités et besoins, ces PME ont donc tout intérêt à « aller vers la douane » (pôles d’action économique (PAE), attachés douaniers, etc.).
 
Alicia Boissière, la vice-présidente de l’Association des Utilisateurs de Transport de Fret (AUTF) souligne que, dans les PME, il n’y a pas forcément de responsable douane et, lorsqu’il existe, c’est souvent un « couteau suisse », autrement dit par une personne polyvalente dans plusieurs domaines mais sans véritable expertise dans la matière douanière. Son premier conseil consiste donc à réfléchir sur la nature de la marchandise et le pays de destination via une « check-list » :
 
  • Disposer des autorisations douanières pour être prêt à faire les déclarations : numéro EORI par exemple ; l’accompagnement des PAE de la Douane et des associations professionnelles est là possible ;
  • Connaitre les obligations des parties : maitriser les Incoterms pour connaître les conséquences (et les difficultés) opérationnelles résultant du choix de l’un de ceux-ci ;
  • Connaitre la taxation dans le pays du client ; l’outil avec my trade assistant du portail Access2market peut aider ;
  • Connaitre les règles d’origine et s’y conformer : un accompagnement de la Douane via les PAE est toujours possible, tout comme l’utilisation de l’outil ROSA (Rules of Origin Self-Assessment) sur le portail précité ;
  • Connaitre les mesures à l’exportation et notamment les restrictions s’agissant de la conformité à la réglementation de l’UE et du pays de destination (il peut par exemple s’agir de dispositions particulières, comme l’étiquetage, nécessaires pour accéder à un marché local, et là encore les attachés douaniers peuvent aider).
 
Sans surprise, elle ajoute qu’il faut anticiper et sécuriser les opérations à l’international, c’est-à-dire coordonner les opérations de douane, de transport et de logistique et notamment bien choisir le prestataire de transport selon la nature de la marchandise (bien vérifier sa compétence/ses capacités), préparer le dossier de dédouanement et s’assurer de disposer des documents (de transport et autres : facture, liste de colisage, licences, etc.). Il est bien sûr possible de préparer ces opérations avec un représentant en douane enregistré (RDE), mais il faudra aussi coordonner le tout avec le transporteur. La relation avec le RDE se prépare également et doit être structurée : même si le RDE joue un rôle de conseil, chacun doit savoir ce qu’il à faire.
 
Diane Pichon, conseillère du commerce extérieur de la France (CNCCEF) et Olivier Andrétic, directeur exécutif des partenariats stratégiques Business France/Teams France Export confirment que ces organismes sont là pour appuyer les entreprises à l’export, notamment en décryptant les difficultés et en les résolvant, en les conseillant à chaque étape du développement à l’international, ou encore pour la mise en relation avec les bons interlocuteurs, ou des futurs clients.
 
Enfin, Marc Fabre-Garrus de la MA2E à la DGDDI souligne le programme étincelles mis en place par la DGE pour accompagner les PME dans leur croissance.
 
Les accords de commerce : des opportunités à saisir
 
Valérie brochet, la chef de la section origine du bureau de la politique tarifaire et commerciale à la DGDDI, souhaite faire passer trois messages :
  • d’abord, le commerce international est aussi fait pour les PME ;
  • ensuite, les accords commerciaux sont une opportunité pour elles ;
  • enfin, ces accords ne sont pas trop couteux.
 
Elle rappelle que l’UE dispose de 48 accords commerciaux avec 80 partenaires, représentant 44 % de l’ensemble des échanges commerciaux mondiaux et un montant 2 434 milliards d’euros. Ces accords permettent notamment une réduction des droits de douane et donc des gains et marge de progression ou de manœuvre que les PME ne doivent pas négliger (sur ce sujet, voir Accords de commerce : opportunités, « derisking », prévention et cas concrets, Actualités du droit, 26 mars 2024  et voir Utilisation des accords commerciaux de l’UE : présentation du rapport de la DG Trésor aux opérateurs, Actualités du droit, 6 déc. 2023).
 
La douanière mentionne également l’aide constituée par le portail Access2market précité qui est une « mine d’informations » s’agissant des droits de douane, des formalités ou encore des statistiques. Bien sûr, elle mentionne aussi l’action de la Douane en matière de sécurisation de de l’origine (via le renseignement tarifaire contraignant, RCO) et les facilités que la Douane peut apporter aux PME s’agissant et de l’auto-certification de la preuve de l’origine avec les statuts d’exportateur agréé ou d’exportateur enregistré.
 
Pour illustrer l’actualité des accords de commerce, sont notamment cités celui avec la nouvelle Zélande (voir ALE UE-Nouvelle-Zélande : entrée en vigueur et informations utiles dans « Brèves douanières » au 23 avril 2024, Actualités du droit, 24 avr. 2024) et celui avec le Kenya (voir APE UE-Kenya : publié et en vigueur le 1er juillet 2024, Actualités du droit, 4 juill. 2024).
 
Avantage collatéral des accords
Outre la réduction des droits de douane, les accords de commerce présentent une utilité supplémentaire : ils sont un cadre de dialogue et d’échange pour l’élimination de barrières qui seraient instituées par l’un des partenaires ou en voie de l’être. Dans le cadre du CETA par exemple, une réunion par an est prévue pour « supprimer les irritants commerciaux », donc même avant leur mise en place effective, selon Pierre Genest, le délégué général adjoint de la fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS). Ainsi, les opérateurs via leurs fédérations représentatives peuvent espérer une bonne mise en œuvre de ces accords. Yann Ambach confirme que ces mécanismes de discussion permettent en effet une « meilleure gouvernance de l’accord » et que le sujet des barrières s’agissant de normes sanitaires notamment est ainsi en voie de résolution dans cette relation UE-Canada.
 
Actions des attachés douaniers : 3 exemples
 
Focus sur la zone Royaume-Uni
 
Le Brexit a certes réintroduit les déclarations à l’exportation et des formalités à l’importation au Royaume-Uni, mais il a aussi d’autres conséquences concrètes que souligne Romain Djoudi, attaché douanier à Londres : le rôle des Incoterms qui devient « essentiel » (pour savoir qui réalise les formalités douanières notamment) ; l’obtention d’un « EORI britannique » ; la nécessité de produire des documents d’ordre public ou DOP (par exemple, s’agissant des autorisations pour les marchandises dites SPS, c’est-à-dire soumises à des contrôles sanitaires ou phytosanitaires, ou des certificats CITES pour les marchandises protégées par la Convention au sigle identique) ; la reconnaissance d’un marquage de conformité ; des droits de douane (l’accord permettant bien sûr des réductions) ; des documents à établir comme des licences à l’importation dans le RU. Aussi, pour une importation réussie et donc sans blocage, les partenaires doivent concrètement, selon Romain Djoudi, déterminer qui fait quoi, échanger et peuvent aussi utilement s’adresser aux PAE et attachés qui ont l’expérience et délivrent un conseil personnalisé.
 
La sortie de l’UE par le Royaume-Uni a impliqué des conséquences sensibles aussi pour les transporteurs, ce que confirme Veselina Nikitsenka, déléguée aux affaires internationales et douanières à la FNTR. Ils ont dû s’adapter à de nouvelles formalités : avec la fin de la libre circulation, le transport est devenu forcément plus complexe (avec des changements dans les documents de transport) impliquant donc une vigilance juridique accrue. Il fallait relever le défi d’intégrer les aspects douaniers dans la chaîne logistique avec de nouveaux process et des contrôles et donc acquérir de nouvelles compétences (soit via un RDE, soit directement en interne) pour s’adapter à la « frontière intelligente » (sur ses principes, voir par exemple Brexit et échéance du 1er janvier 2021 : une note de la DGDDI sur la "frontière intelligente", Actualités du droit, 19 nov. 2020). Lors du passage de cette frontière intelligente, le rôle du conducteur est devenu « essentiel » (tout comme sa formation) : il est en première ligne en cas d’arrêt du véhicule, lorsqu’une erreur est détectée. Mais en amont, tous les acteurs doivent communiquer et se coordonner. Bien choisir son transporteur, celui qui connaît les formalités avec le RU à qui l’on va confier la gestion de ses flux documentaires, est devenu ainsi indispensable : il doit pouvoir contacter le RDE, le conducteur, l’opérateur et effectuer un contrôle utile des documents pour éviter les blocages.
 
Faisant un point d’actualité s’agissant du BTOM (Border Target Operating Model) mis en place par le gouvernement de sa majesté, Romain Djoudi souligne l’introduction au 31 octobre 2024 des ENS pour la sécurité et la sûreté à l’importation au Royaume-Uni (déclarations sommaires d’entrée au RU). Dans un premier temps, selon l’attaché douanier, les ENS à déposer seraient allégées. Veselina Nikitsenka précise que le conducteur doit soumettre cette ENS à la Douane : il a la charge de la présenter (même si le déclarant reste responsable des déclarations) et là encore il faut anticiper, collaborer et former les conducteurs.
 
Focus sur la zone Amérique du Nord
 
Attaché douanier pour les États Unis d'Amérique du Nord, le Canada et le Mexique, Jean-Roald L’Hermitte confirme sans surprise son rôle de soutien aux entreprises par la réponse aux sollicitations des opérateurs, par les orientations qu’il peut leur donner et par le déblocage des situations. S’agissant des USA qui comportent 50 États fédéraux, un opérateur fait donc face à 50 réglementations différentes potentiellement. Aussi, pour une exportation vers les USA, son conseil est bien sûr d’anticiper mais là « rien de neuf », ajoute-t-il. En revanche, l’attaché souligne que la Douane US est administration « rigoureuse » et « a une culture de lutte contre la fraude très élevée » avec un ciblage performant. La Customs and Border Protection (ou CBP) applique donc la réglementation aussi avec rigueur : en cas de problème, il ne faut pas s’attendre à un « arrangement dans l’entre-soi » ! Enfin, s’il existe des facilités, le formalisme est essentiel aux USA.
 
Les points suivants font utilement l’objet de rappels s’agissant des opérations avec les USA : pas de TVA mais des taxes élevées ; recours à un broker (représentant agréé) obligatoire ; mid number obligatoire (code d’identification du fabricant/de l’exportateur) ; marquage de l’origine (en anglais seulement) ; marquage made in UE non reconnu, ce marquage n’existant qu’au niveau d’un pays ; classement tarifaire à 10 chiffres (plus fin que la NC) ; rôle fondamental des Incoterms ; une réglementation spécifique s’agissant de la franchise pour le fret postal et express de 800 USD par jour par opérateur (celle-ci ayant créé un boulevard pour la fraude, la réinstauration de formalités déclaratives sous ce seuil de franchise pourrait revenir) ; règle de la 1re vente (first sale rule) qui permet de revenir au prix départ-fabricant (si le flux est régulier et si le code du tarif ne change pas) en effaçant les marges des intermédiaires dans le calcul de la valeur ; la lutte contre le travail forcé (une mesure d’une efficacité redoutable par l’inversion de la charge de la preuve qu’elle permet : à partir des codes postaux en Chine, la Douane US peut opérer un blocage pendant 30 jours et c’est à l’exportateur de prouver que la marchandise n’est pas issue du travail forcé).
 
Chiffres et informations
Même sans accord, la relation avec les USA est, selon Pierre Genest, le délégué général adjoint de la fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS), « essentielle en termes de débouchés » (sans jeu de mots) avec, en 2023, 2,2 milliards d’euros d’exportation de vins et 2,6 milliards si l’on ajoute les spiritueux. Les échanges entre l’UE et les USA représentent 153,1 milliards d’euros de flux en 2023 et la France est le 3e partenaire des USA en volume, mentionne aussi Jean-Roald L’Hermitte qui rappelle l’existence d’une FAQ de 10 questions à se poser avant d’exporter aux USA. Cet attaché indique aussi en substance que les deux candidats à l’élection présidentielle affichent dans leurs programmes respectifs une tendance fortement protectionniste.
 
Focus sur la zone Chine
 
« Anticiper » et « avoir une stratégie structurée » sont la clef pour réussir son commerce avec la Chine, selon l’attaché douanier dédié, Nicolas Duthilleul (cela implique un contrat incluant tous les éléments nécessaires, dont des clauses d’arbitrage, une recherche de notoriété, etc.). Des difficultés existent dans les relations avec ce partenaire : le droit de propriété intellectuelle (mais il est possible de se protéger directement en Chine) ; la langue chinoise ; la Douane chinoise qui est elle-aussi une administration de contrôle ; les évolutions de la législation (profondes et rapides) qui peuvent créer une insécurité juridique ; les restrictions d’accès au marché, par des licences pour les exportations vers la Chine… Mais la Chine est aussi une opportunité notamment via le e-commerce qui prend deux formes, le e-commerce national classique et le « cross broder e-commerce » qui permet de s’affranchir des licences et de bénéficier d’une fiscalité avantageuse.
 
Remarques
Sur les précédentes interventions d’attachés douaniers, voir Rencontre avec les « attachés douaniers » : une troisième session très riche, Actualités du droit, 3 oct. 2022).
 
De la douane économique à la douane stratégique : indispensables informations et formations
 
On est passé de la « douane économique » à la « douane stratégique » selon Pascal Perrochon, le directeur des affaires internationales de la fédération des industries électriques, électronique et de communication (FIEEC), qui illustre son propos par l’utilité des suspensions et contingents tarifaires qui sont « des atouts majeurs » (bien importer, c’est aussi bien exporter par la suite). Aussi, la « gestion de la douane » doit avoir lieu en amont pour les opérateurs : dès qu’ils veulent faire de l’international, il leur faut avoir en tête le triptyque douanier – espèce, origine, valeur – et les outils correspondants de sécurisation. Or, selon lui, les commerciaux n’ont pas forcément tous une connaissance suffisante de la dimension douanière qui a un effet sur le prix, et il souligne là l’importance de formation à cette matière et le caractère indispensable l’information notamment par les réseaux des fédérations. Et ce d’autant plus que la matière douanière « est en mouvement perpétuel » et que le rôle de la Douane s’étend aussi au contrôle de réglementations non douanières (MACF, interdiction du travail forcé, lutte contre la déforestation, etc.).
Source : Actualités du droit